Le voile n’est pas une affaire de genre, mais de foi


Sous le titre «Ecolière voilée, liberté volée?», la députée Véronique Hurni a récemment plaidé ici pour l’inter-diction du voile à l’école (24 heuresdu 12 octobre).

Deux malentendus me dérangent principalement dans les réflexions de Mme Hurni. Le premier est que le port du voile est, à tort, présenté comme définissant la relation entre la femme et l’homme. En vérité, le voile est un élément de la relation d’une femme au divin. C’est une différence fondamentale.

Commençant son texte par «en tant que femme, je ne peux pas adhérer à l’idée d’admettre le port du voile à l’école», Mme la députée en fait une question de genre. C’est faux, il s’agit d’une question de l’ordre de la foi.

Tant que le cadre légal est respecté, et tant qu’il n’y a pas de pression communautaire, la liberté de religion doit être respectée pour les personnes de tout âge. Pour cela, il n’y a qu’une formule, respectant nos principes démocratiques et libéraux: «Pas de contrainte en religion!» (Coran 2: 256) Donc ni pour ni contre le voile. Obliger quelqu’un à une pratique religieuse, ou bien la lui interdire, est une atteinte à la liberté religieuse. La pratique religieuse doit rester une décision individuelle. La communauté et l’Etat ne doivent intervenir ni pour ni contre.

La défense de la laïcité de l’école prise par Mme Hurni est tout à fait honorable. Mais si, quelques lignes plus haut, elle regrette que certains enfants musulmans ne veuillent pas participer à la préparation de Noël ou de Pâques en classe, sa vraie motivation reste du moins… voilée. Ne parlons même pas de l’enseignant valaisan récemment licencié pour avoir refusé de suspendre un crucifix dans la salle de classe. Vive la laïcité de l’école en Suisse!

Le second malentendu est probablement le plus important pour toutes les questions liées aux musulmans en Suisse. L’islam et, en conséquence, les musulmans sont toujours perçus comme étant un phénomène étrange, ou comme venant de l’étranger. Or les musulmans de Suisse sont aujourd’hui des citoyens à part entière: ils travaillent, ils font de la politique, ils s’engagent socialement, ils fondent des familles, ils paient des impôts, bref, ils font progresser notre pays.

L’islam est une partie intégrante de la société suisse, il faut le reconnaître et agir en conséquence. Aujourd’hui, nous ne sommes plus seulement des Suisses de culture musulmane, mais aussi des musulmans de culture suisse.

L’année dernière encore, je n’aurais pas imaginé ressentir un jour le besoin de m’engager pour défendre les libertés d’une minorité religieuse en Suisse. Mais les coups se suivent: hier les minarets, aujourd’hui le voile, et demain? Le ramadan? Et ensuite? C’est une tendance dangereuse, antidémocratique, qui fait perdre aux musulmans de Suisse leur confiance dans les institutions politiques qu’ils sont censés respecter. C’est contre-productif pour les valeurs que Mme Hurni prétend défendre. Nous risquons de nous mettre les musulmans à dos, progressistes inclus… Dommage.

Lettre de lecteur publié sous "Opinions", une réaction à "Ecolière voilée, liberté volée ?", publié dans le 24Heures par la Députée Hurni (parti Radical), http://archives.24heures.ch/VQ/LAUSANNE/-/article-2010-10-931/en-tant-que-femme-je-ne-peux-pas-adherer-a-l8217idee-d8217admettre-le-port-du-voile-a

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