Islam et christianisme, besoin de vérité
Paru dans les Réflexions du 24Heures le 11.12.2014
Islam et christianisme, besoin de vérité
Les réflexions de M. Olivier Delacrétaz sur l’islam et le christianisme dans ces colonnes suscitent ma réaction.
Deux axes de réflexions principaux structurent son texte. D’abord sa forte critique du dialogue interreligieux qu’il juge être «un bon voisinage de surface» et des Eglises vaudoises dont «le souci principal semble être de préserver la paix entre les groupes religieux». Pourtant l’engagement pour le dialogue interreligieux, ancré dans les principes à la fois du christianisme et de l’islam, est une obligation légale dans le canton de Vaud pour les communautés religieuses reconnues. Cette critique peut donc étonner de la part d’un intellectuel. Elle semble cependant basée sur son deuxième axe de réflexion: l’universalité et la supériorité de sa propre foi par rapport aux autres.
Non seulement cette conviction est dangereuse, d’où qu’elle vienne, mais elle me semble intellectuellement dépassée depuis un bon moment. Il y a toujours eu dans les religions, à certaines époques et dans certaines régions, des tentatives pour essayer d’imposer sa propre foi aux autres. Elles n’ont pas, à mon avis, fait avancer les sociétés.
«O Humains! […] Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez entre vous», nous apprend le Coran (13, 49). En islam, les différences ainsi que le dialogue sont parties intégrantes de la foi, et je crois savoir que beaucoup de chrétiens le conçoivent pareillement.
Nous avons la chance dans notre canton d’avoir des personnes de toutes confessions engagées dans ce dialogue et des instances comme l’Arzilier ou le Groupe musulmans et chrétiens pour le dialogue et l’amitié (MCDA) qui créent cet espace d’échange. Les discussions n’y sont absolument pas de «surface» comme le prétend M. Delacrétaz, elles sont profondes et engagées, mais constructives.
Cela demande une certaine flexibilité d’esprit de comprendre que ma vérité n’est pas peut-être pas celle de l’autre. Mais si ces différences nous permettent d’avoir un dialogue constructif, renforçant chacun dans ses capacités mentales et spirituelles et créant des relations fortes entre citoyens, je le considère comme fortement bénéficiaires pour tous. Vive les différences, vive le dialogue!
Islam et christianisme, besoin de vérité? Oui, la vérité de la diversité, pas celle de l’universalisme de sa propre foi qui devrait s’imposer aux autres. La vérité de la valeur du dialogue interreligieux. Accepter l’autre dans sa différence, s’engager sans tabou mais de manière constructive afin de renforcer «l’entre-connaissance» et donc le vivre ensemble dans notre société. Ça se fait dans le canton depuis bien plus de 10 ans. Merci aux participants!
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L'article ci-dessus est une réaction aux Réflexions de M. Delacrétaz, paru la première semaine de décembre dans les mêmes colonnes, voir ci-dessous.
Islam et christianisme, besoin de vérité
Face à l’islam, le souci principal de nos Eglises semble être de préserver la paix entre les groupes religieux. On nous assure que la plupart des musulmans installés en Suisse veulent la paix – c’est sans doute vrai – et qu’il est injuste de les amalgamer aux criminels djihadistes – c’est vrai aussi.
On ajoute que les préceptes du Coran sont des préceptes de paix et d’amour. Ça, c’est au mieux à moitié vrai. Certes les adversaires déclarés de l’islam ne mentionnent guère les sourates pacifiques, préférant citer celles qui appellent au massacre des mécréants, à la bastonnade des femmes adultères et à l’amputation des voleurs. Mais on ne corrige pas une omission par l’omission inverse.
Plaidant pour une version expurgée de l’islam, les Eglises officielles sont tentées d’en faire autant avec le christianisme et de passer un peu rapidement sur les affirmations du Credo incompatibles avec le Coran. Dès lors, de même que certaines cantines scolaires françaises sont devenues islamo-compatibles par défaut (suppression du porc sous des prétextes sanitaires), nous pourrions nous acheminer vers une sorte de christianisme halal, réduit à des prédications morales et des discours laïcisants sur la liberté religieuse.
Les Eglises ne peuvent se contenter d’un bon voisinage de surface entre les religions. Leur tâche est de dire la vérité, toute la vérité. Le christianisme affirme, dans sa formulation la plus ancienne et la plus constante, que le Christ est réellement le fils de Dieu, «né du Père avant tous les siècles». Il y a là un désaccord fondamental avec l’islam.
Pour le Coran, en effet, associer d’autres dieux à Allah est inacceptable. Même si les musulmans reconnaissent à Jésus un statut de prophète et le révèrent comme un «signe d’Allah», ils jugent blasphématoire sa prétention à la divinité. Ceux qui confessent la Trinité sont des «associateurs», promis à l’enfer. Cette croyance n’est pas réservée aux extrémistes. Elle fait partie de la foi du musulman ordinaire, comme la divinité du Christ, sa mort et sa résurrection constituent le centre de la foi du chrétien ordinaire.
Poussons-nous à l’affrontement en rappelant cela? En fait, l’affrontement a déjà commencé. On constate d’un côté la poussée continue d’une religion qui veut se faire une place chez nous – avec ses mœurs et son droit qui ne sont pas les nôtres. Et on constate de l’autre, suppléant (mal) le mutisme des Eglises, l’initiative contre les minarets – en attendant celle contre la burqa. Ces initiatives sont émotionnelles. Elles portent non sur le fond mais sur des symptômes architecturaux et vestimentaires. Leur succès populaire n’en manifeste pas moins une inquiétude que les Eglises ne peuvent ignorer ou mépriser.
La paix est désirable. Mais, pour le musulman comme pour le chrétien, il est certain qu’on ne la préservera pas, à long terme, en négligeant la question de la vérité.
Islam et christianisme, besoin de vérité
Les réflexions de M. Olivier Delacrétaz sur l’islam et le christianisme dans ces colonnes suscitent ma réaction.
Deux axes de réflexions principaux structurent son texte. D’abord sa forte critique du dialogue interreligieux qu’il juge être «un bon voisinage de surface» et des Eglises vaudoises dont «le souci principal semble être de préserver la paix entre les groupes religieux». Pourtant l’engagement pour le dialogue interreligieux, ancré dans les principes à la fois du christianisme et de l’islam, est une obligation légale dans le canton de Vaud pour les communautés religieuses reconnues. Cette critique peut donc étonner de la part d’un intellectuel. Elle semble cependant basée sur son deuxième axe de réflexion: l’universalité et la supériorité de sa propre foi par rapport aux autres.
Non seulement cette conviction est dangereuse, d’où qu’elle vienne, mais elle me semble intellectuellement dépassée depuis un bon moment. Il y a toujours eu dans les religions, à certaines époques et dans certaines régions, des tentatives pour essayer d’imposer sa propre foi aux autres. Elles n’ont pas, à mon avis, fait avancer les sociétés.
«O Humains! […] Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez entre vous», nous apprend le Coran (13, 49). En islam, les différences ainsi que le dialogue sont parties intégrantes de la foi, et je crois savoir que beaucoup de chrétiens le conçoivent pareillement.
Nous avons la chance dans notre canton d’avoir des personnes de toutes confessions engagées dans ce dialogue et des instances comme l’Arzilier ou le Groupe musulmans et chrétiens pour le dialogue et l’amitié (MCDA) qui créent cet espace d’échange. Les discussions n’y sont absolument pas de «surface» comme le prétend M. Delacrétaz, elles sont profondes et engagées, mais constructives.
Cela demande une certaine flexibilité d’esprit de comprendre que ma vérité n’est pas peut-être pas celle de l’autre. Mais si ces différences nous permettent d’avoir un dialogue constructif, renforçant chacun dans ses capacités mentales et spirituelles et créant des relations fortes entre citoyens, je le considère comme fortement bénéficiaires pour tous. Vive les différences, vive le dialogue!
Islam et christianisme, besoin de vérité? Oui, la vérité de la diversité, pas celle de l’universalisme de sa propre foi qui devrait s’imposer aux autres. La vérité de la valeur du dialogue interreligieux. Accepter l’autre dans sa différence, s’engager sans tabou mais de manière constructive afin de renforcer «l’entre-connaissance» et donc le vivre ensemble dans notre société. Ça se fait dans le canton depuis bien plus de 10 ans. Merci aux participants!
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L'article ci-dessus est une réaction aux Réflexions de M. Delacrétaz, paru la première semaine de décembre dans les mêmes colonnes, voir ci-dessous.
Islam et christianisme, besoin de vérité
Face à l’islam, le souci principal de nos Eglises semble être de préserver la paix entre les groupes religieux. On nous assure que la plupart des musulmans installés en Suisse veulent la paix – c’est sans doute vrai – et qu’il est injuste de les amalgamer aux criminels djihadistes – c’est vrai aussi.
On ajoute que les préceptes du Coran sont des préceptes de paix et d’amour. Ça, c’est au mieux à moitié vrai. Certes les adversaires déclarés de l’islam ne mentionnent guère les sourates pacifiques, préférant citer celles qui appellent au massacre des mécréants, à la bastonnade des femmes adultères et à l’amputation des voleurs. Mais on ne corrige pas une omission par l’omission inverse.
Plaidant pour une version expurgée de l’islam, les Eglises officielles sont tentées d’en faire autant avec le christianisme et de passer un peu rapidement sur les affirmations du Credo incompatibles avec le Coran. Dès lors, de même que certaines cantines scolaires françaises sont devenues islamo-compatibles par défaut (suppression du porc sous des prétextes sanitaires), nous pourrions nous acheminer vers une sorte de christianisme halal, réduit à des prédications morales et des discours laïcisants sur la liberté religieuse.
Les Eglises ne peuvent se contenter d’un bon voisinage de surface entre les religions. Leur tâche est de dire la vérité, toute la vérité. Le christianisme affirme, dans sa formulation la plus ancienne et la plus constante, que le Christ est réellement le fils de Dieu, «né du Père avant tous les siècles». Il y a là un désaccord fondamental avec l’islam.
Pour le Coran, en effet, associer d’autres dieux à Allah est inacceptable. Même si les musulmans reconnaissent à Jésus un statut de prophète et le révèrent comme un «signe d’Allah», ils jugent blasphématoire sa prétention à la divinité. Ceux qui confessent la Trinité sont des «associateurs», promis à l’enfer. Cette croyance n’est pas réservée aux extrémistes. Elle fait partie de la foi du musulman ordinaire, comme la divinité du Christ, sa mort et sa résurrection constituent le centre de la foi du chrétien ordinaire.
Poussons-nous à l’affrontement en rappelant cela? En fait, l’affrontement a déjà commencé. On constate d’un côté la poussée continue d’une religion qui veut se faire une place chez nous – avec ses mœurs et son droit qui ne sont pas les nôtres. Et on constate de l’autre, suppléant (mal) le mutisme des Eglises, l’initiative contre les minarets – en attendant celle contre la burqa. Ces initiatives sont émotionnelles. Elles portent non sur le fond mais sur des symptômes architecturaux et vestimentaires. Leur succès populaire n’en manifeste pas moins une inquiétude que les Eglises ne peuvent ignorer ou mépriser.
La paix est désirable. Mais, pour le musulman comme pour le chrétien, il est certain qu’on ne la préservera pas, à long terme, en négligeant la question de la vérité.
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