Subventions et survie de la presse : une autre piste

Le choc est émotif et profond, la convalescence s’annonce difficile. La presse romande, et avec elle le public, sont frappés par des réductions drastiques du personnel (24Heures, Le Temps) ou même la fermeture de rédaction (L’Hebdo). Cette évolution fait vaciller un pilier de notre démocratie, le quatrième pouvoir. Notre modèle économique est basé sur la société du savoir, notre démocratie directe vit à travers la liberté d’expression et le niveau d’instruction du souverain.

Que faire alors si le modèle économique d’un pilier de notre société est dépassé et ne permet plus sa survie ? Les appels à l’intervention de l’état à travers des subventions ont été tellement immédiats et nombreux que le champ de réflexion s’est rapidement réduit à cette option là. Est-ce qu’il nous faut un changement de paradigme et considérer l’industrie privée de la presse comme un domaine d’intérêt public qui mérite l’accès au pain béni de l’état, donc des citoyens ? Sans vouloir l’exclure in fine, il me semble important de maintenir une piste de réflexion sur le plan purement économique et technologique.

Beaucoup d’encre a été coulée pour faire un constat qui me semble quasi-unanime quant aux origines du problème : la pub a migré vers internet et le citoyen considère que l’accès à l’information doit être gratuit ou du moins à un prix attractif pour tous. Toute sortie de la crise, même avec un potentiel soutien de la part de l’état, devrait prendre en compte ces deux aspects.

Les rentrées publicitaires sont parties sur internet et ne reviendront probablement plus. Au lieu de le regretter trop longtemps, on aurait meilleure temps à réfléchir comment les suivre aux mieux. Oui, la délocalisation de la presse sur la toile s’est déjà faite, mais malheureusement sans suffisamment prendre en compte le fait que, contrairement à d’autres plateformes qui ne produisent pas de contenu eux-mêmes (réseaux sociaux, annonces, etc.), les journaux doivent continuer à produire des contenus de qualité, ce qui implique des frais de personnel importants.  Aujourd’hui on trouve en gros trois modèles : la gratuité des articles, les abonnements numériques et le paiement par article. Les deux premiers me semble révolus, le premier pour des raisons évidentes et le deuxième à cause de sa proximité avec le modèle classique. Aujourd’hui le lecteur est sélectif et ne veut plus payer pour des articles qu’il ne lit pas, donc en réalité une bonne partie du journal. Le paiement par article me semble le modèle le plus en phase avec les habitudes du client, mais malheureusement la structure du prix est inappropriée : nous sommes aux alentours de CHF 2.- par article, alors que le journal entier coûte environs CHF 4.- au kiosque. Si l’on veut lire 5, 7 ou 10 articles cela ne vaut largement plus la peine et l’abonnement, donc des frais fixes, n’intéresse peut être pas non plus. Il faudrait mieux adapter le prix sur internet aux prix du journal imprimé, donc à environ 30 ou 40 centimes par article. Cela diminuerait beaucoup les hésitations et faciliterait grandement les clics des souris. Ces revenus seront donc complétés pour les rentrées publicitaires qui pourraient devenir bien plus sophistiques grâce à des solutions intelligentes. Une pub sur mesure du lecteur vaut bien plus qu’une annonce ordinaire, c’est le modèle qui génère des milliards de revenus publicitaires pour d’autres plateformes. Pour ce faire il nous faut aller avec le temps et avec le progrès technologique. Par exemple, les écrans pliables et tactiles sont aujourd’hui à portée de main. J’imagine mon journal préféré sur un tel support, plié comme un journal dans ma poche de gilet, à jour à tout moment dans la journée, sans souci par rapport aux pubs qui flottent sur l’écran j’appuie sur les articles qui m’intéressent au prix de 40 centimes qui seront facturés automatiquement sur ma facture de téléphone mobile ou ma carte de crédit, mais quelle liberté !

Et c’est peut être ici où l’état pourrait intervenir, non pas pour subventionner un modèle économique dépassé, mais pour stimuler le développement d’une nouvelle technologie (les écrans pliables et tactiles) ici chez nous, contribuant à la fois à l’innovation et au progrès économique et technologique du pays et participant ainsi à la survie de la presse libre et de qualité, sous condition que le soutien de l’état aux acteurs du développement technologique soit conjugué à l’exigence de partenariats intéressants avec la presse.

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