L’aigle, la patrie et le but

L’aigle est un animal mythique des montagnes suisses qui me fascine depuis mon enfance. Il incarne des valeurs suisses comme peu d’autres animaux : la précision, la synoptique, la force concentrée, la frappe bien visée et – allez – la majesté (je sais qu’en Suisse ça ne se dit pas, même si ça se pense…).
Il a été déclaré animal suisse de l’année 2001 par Pro Natura. L’aigle est l’animal suisse par excellence. Il serait sans aucun doute en pole position s’il fallait un jour désigner, à l’instar d’autres pays, un animal pour symboliser la nation. Personnellement en tout cas, je préférais l’aigle à la vache J
Pourquoi alors certains esprits s’échauffent-ils tant quand des stars du football suisse miment l’aigle afin de célébrer un exploit pour la nation ? Parce qu’ils auraient marqué pour leur Kosovo natal et non pour la Suisse, nous diraient-ils. Insinuant ainsi, de manière plus ou moins volontaire, qu’ils seraient des traîtres de la nation. Pourtant, je les vois voler de succès en succès pour la Suisse, je les vois éclater de joie pour la Suisse à chaque but, quelque soit l’adversaire, je les vois exprimer publiquement leur amour pour la Suisse, leur gratitude pour tout ce que la Suisse leur a donné ainsi qu’à leur famille. Il faudrait être aveugle et malhonnête pour ignorer leur patriotisme envers notre patrie. La moindre des choses c’est de les respecter pour ce qu’ils sont : des Suisses avec des origines kosovares.

Soyons honnêtes, pour faire voler l’aigle au mondial, sachant qu’une partie de la patrie va les en vouloir, il faut du courage. Je les aime d’autant plus pour cet acte de bravoure. Suisses d’origine kosovare : les gars, vous êtes bicéphale, vous êtes 200%, rendez nous fier et restez comme vous êtes !

Sans doute, la référence de leur symbole est l’aigle albanais et non l’aigle royal des montagnes suisses. De ce point de vue, tous les Suisses ne s’y retrouvent pas forcément, comme tous les Suisses ne se retrouvent pas forcément dans la symbolisation de la croix de certains joueurs ou d’autres gestes à portée personnelle. Soit. La mimique n’est pas destinée à unir la nation, c’est tout simplement une expression personnelle d’une grande joie. C’est l’acte qui précède l’explosion de la joie, à savoir le but marqué, qui unit la nation, qui fait trembler les salons et les tribunes, qui excite des millions d’âmes d’origines diverses mais unies derrière un ballon dans le filet. La joie est partagée, son expression est individuelle et multiforme. Marquer un but au mondial, c’est l’apothéose d’une carrière, voire d’une vie. C’est le point culminant de tout ce qu’on représente, de toutes ses références, de toutes ses identités. Nos buteurs jouent et marquent pour leur Suisse, ils font voler l’aigle pour leur Kosovo, difficile de faire plus beau. A condition que ça soit à chaque match et non seulement contre la Serbie.

Alors, si les Xhaka, Shaqiri et compagnie réussissent tellement bien à intégrer leur différentes composantes identitaires, pourquoi nous, en tant que nation, on n’y arriverait pas ? Pourquoi nous n’introduirions pas l’aigle de notre Nati, maître des airs, animal national, comme symbole de la victoire helvétique ? Naturalisons la mimique de l’aigle volant comme nous avons naturalisé les Xhaka, Shaqiri, Behrami et tous les autres.

Vole aigle vole, de victoire en victoire.

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