Manger pendant le Ramadan ou pourquoi l'état doit être laïque en Islam

Comme chaque année au Maghreb et ailleurs, des associations et mouvements protestent contre l’interdiction de manger pendant le Ramadan. Voilà en quoi ils ont raison…


Au Maroc, c’est l’article 222 du code pénal qui prévoit une peine de six mois de prison pour quiconque ne jeûne pas pendant cette période. En Tunisie, la base légale est plus floue, les autorités se réfèrent à la condamnation de l’ « atteinte aux bonnes mœurs » du code pénal ainsi qu’à une circulaire de 1981 qui prévoit la fermeture de cafés et restaurants pendant le jeûne.

De mon point de vue, l’idée que l’état ou quiconque impose une pratique religieuse me perturbe profondément, elle est en confrontation directe avec plusieurs principes islamiques, tels que je les conçois. Sachant que la liberté religieuse est protégée en Islam, que nous devons porter la responsabilité de nos actes sur base du libre arbitre et que nos actes ne valent que par l’intention qui les anime, comment se pourrait-il qu’une partie tierce nous imposerait une pratique religieuse qui ne serait pas librement consentie ? Comment se pourrait-il que cette partie tierce contreviendrait à la volonté de Dieu, celle de nous laisser faillir, pécher et ensuite nous repentir ou d’en porter la responsabilité, dans cette vie ou dans l’au-delà ? Comment se pourrait-il que cette partie tierce nous imposerait un acte sans volonté, nous poussant ainsi à une sorte d’hypocrisie, une attitude extrêmement mal vue en Islam ?

Poussé jusqu’au bout de la réflexion, l’état qui imposerait les règles religieux et qui réussirait dans cette démarche enlèverait toute responsabilité individuelle aux fidèles, mettrait ainsi en question le concept même du licite et de l’illicite et, en dernière conséquence, aussi celui de la récompense au paradis… Similaire à la dualité du yin et du yang, ce n’est que par l’existence du haram que le halal prenne son sens.


L’argument souvent avancé en faveur d’un état édictant des lois religieuses est celui de la protection de la religion par l’état. Mais qui aurait besoin de la protection d’un état quand il jouit de la protection de Dieu ? L’Islam a survécu dans les endroits les plus hostiles, non pas à l’aide de lois ou d’un pouvoir étatique, mais grâce à la conviction profonde des fidèles et à leur amour de Dieu.

Seul Dieu, al Hakam, peut juger de la sincérité de nos intentions, de la pureté de nos cœurs et de l’intelligence de nos décisions.


A mon sens, l’Islam ne connait pas le principe d’un état qui imposerait ni une croyance particulière, ni une pratique religieuse, il est ainsi laïque. Là-dessus, les non-jeûneurs ont raison, il faut leur accorder le droit de pécher et de manger pendant le Ramadan.

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